Guillaume, ancien moine
« Je viens d’une famille catholique classique. J’ai toujours eu la foi. Mais très tôt, j’ai compris que j’étais “différent”, que c’était les garçons qui m’attiraient. À 20 ans, j’ai décidé d’entrer dans un monastère bénédictin. C’était le lieu idéal pour vivre ma foi et lutter contre mon homosexualité. Un jour, on a accueilli un moine d’une autre communauté. Très vite, on s’est bien entendu. Je n’avais pas conscience qu’il y avait une tension amoureuse entre nous, qu’il me “teasait” avec des petites chamailleries.
Et puis un jour, on s’est embrassé pour la première fois. J’en tremblais de tout mon corps. Pour moi, c’était un bouleversement. Tout ce que l’Église m’avait dit sur mon homosexualité s’écroulait : en fait, c’était très beau d’aimer un garçon. C’était très beau d’exprimer avec mon corps tous mes sentiments. C’était très beau de se sentir beau dans son regard, de ressentir de la tendresse. Je sentais que je pouvais partir au bout du monde avec lui. Je n’avais jamais vécu ça de ma vie.
La honte et la culpabilité que je pouvais ressentir vis-à-vis de ma sexualité sont tombées. Mais très vite, j’ai su que cette liaison n’aurait pas d’avenir ici. Je suis allé me confesser au frère du monastère. Comme je ne savais pas comment dire les choses, c’est sorti en latin : “Ego peccavi contra sextum præceptum cum fratre…”, ce qui signifie : “J’ai péché contre le sixième commandement avec un frère.” Si j’avais embrassé une fille, on m’aurait donné six mois hors du monastère pour discerner. Là, on m’a dit de ne surtout pas me poser de questions, d’oublier, de tout enfouir.
Cet épisode a créé une brèche en moi. Je n’allais plus aux offices, plus aux repas. Je restais dans ma cellule à regarder Downton Abbey et Friends. J’ai compris que je ne pourrais plus jamais reprendre la vie monastique. Il m’a fallu dix ans pour décider de ne plus vivre avec ce fardeau. Quand je me suis avoué à moi-même que je n’étais plus à ma place ici, que cela faisait quatorze ans que je me mettais un poids inutile sur les épaules, j’ai ressenti une immense légèreté. Une vraie liberté.
Sortir du monastère m’a aidé à fuir cette logique qui me rendait fou : la dissociation entre sentiment et sexualité, la culpabilité permanente. Dehors, j’ai vu de mes propres yeux que des couples gays peuvent être heureux et féconds, qu’ils ne sont pas forcément débauchés comme je m’en étais convaincu. Une parole, tant de fois répétée au monastère, me guide : on n’est jamais trop loin pour Dieu. Aujourd’hui, je continue d’aller à la messe chaque semaine, mais je ne communie pas. C’est ma manière d’être en paix tout en manifestant ma marginalité. Si tous les gens qui selon les normes actuelles de l’Église ne peuvent pas communier faisaient comme moi, les prêtres resteraient là à attendre… Ce serait beaucoup plus efficace qu’une grève de la messe. Les prêtres prendraient conscience de l’inanité de leurs discours.
Quant à moi, j’aimerais tomber amoureux. »
Propos recueillis par Paul Piccarreta
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