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Guillaume Meurice : « Je suis un athée curieux » 

Il vit à Rennes, et on le rencontre à la gare Montparnasse, à la sortie d’un train. Voici Guillaume Meurice, une voix incontournable des fréquences radio. Humoriste, journaliste, cet animal hybride au cœur tendre cosigne un spectacle avec l’astrophysicien Éric Lagadec, « Vers l’infini (mais pas au-delà) ». C’est le moment rêvé pour s’envoler avec lui dans un entretien spiritualité !

Publié le 7 Nov 2025

Le Cri : Surpris d’être approché par un journal de cathos de gauche ? 

Guillaume Meurice : Surpris d’être approché par un journal de cathos, certainement, mais de gauche, moins. J’avais eu un bel article dans Témoignage chrétien. J’ai parlé avec la Jeunesse ouvrière chrétienne aussi, mais ce sont des milieux que je connais très peu. Je suis vraiment athée pratiquant, je ne suis pas baptisé. On part de très très loin. 

Quel type d’athée êtes-vous, alors ? 

Curieux ! Ça m’intéresse. Enfin… la foi et les gens qui l’ont m’intéressent. Je suis beaucoup plus critique de la religion, en ce qu’elle est l’organisation politique de la foi. J’ai plutôt un fond anarchiste, donc dès qu’il y a des autorités, ça a tendance à me poser problème. Je sais que c’est un peu condescendant, mais ça m’intéresse de savoir pourquoi les croyants ont besoin de la foi pour avancer dans la vie. La foi, je considère que c’est une hypothèse et je n’en ai pas besoin. Mais je ne m’en fais pas un mérite. Si j’avais grandi dans un autre milieu, ma trajectoire aurait changé. Je n’ai pas besoin d’avoir des réponses à des questions métaphysiques. J’aime la beauté des questions. J’ai l’impression qu’avec la foi, la religion sert assez vite à apaiser des angoisses. Or, moi, l’intranquillité me plaît énormément. 

Vous dites que la foi est une « hypothèse » dont vous n’avez « pas besoin »… Y a-t-il à l’inverse des hypothèses non étayées dont vous auriez besoin ? 

C’est un peu chrétien de le dire [rires], mais j’ai besoin de l’hypothèse selon laquelle chaque homme est bon. C’est peut-être ma part d’irrationnel et de foi dans mes congénères. Chacun de nous veut les mêmes choses, au fond : être peinard, vivre des moments heureux avec les gens qu’on aime. J’ai passé dix ans à faire des micros-trottoirs, et j’ai par exemple rencontré très peu de gens racistes, même si j’ai entendu beaucoup de propos racistes. Dans ces propos, et bien sûr ça ne les justifie pas, il y a beaucoup de biais de confirmation, des tentatives d’explication d’angoisses civilisationnelles. J’ai beaucoup entendu des gens dire : « Il y a trop d’Arabes en France, sauf… » Leur expérience du réel leur montre que les Arabes ne sont pas comme ils le croient et ils en font des exceptions. Ils se disent : « La vérité, c’est ce que Pascal Praud m’a dit ce matin, mais moi, cool, je connais les quatre qui échappent à cette généralité. » 

Même Pascal Praud doit fonctionner comme ça ! 

C’est sûr ! D’ailleurs, le dernier truc qu’il a dit sur moi, c’est : « Finalement, je l’aime bien. » 

On considère souvent l’humour comme quelque chose de solitaire. Vous, vous avez percé avec des micros-trottoirs, au contact des gens, et vous animez aujourd’hui une émission sur Nova, « La dernière ». Au fond, la racine de votre manière de pratiquer l’humour et le journalisme, c’est ce besoin de creuser l’altérité ? 

Mes parents tenaient une maison de la presse dans un village de Haute-Saône, qui était l’endroit où tout le monde venait discuter. Ce sont des personnes très sympathiques et ouvertes, très ouvertement de gauche, ce que chacun savait au village où les gens votaient déjà beaucoup FN sur la base de l’insécurité qu’ils « voyaient » à la télé. Mes parents discutaient des heures et des heures, même avec le curé ! J’ai le souvenir de mon père qui lui dit : « Oh, tu nous fais chier avec ton bon Dieu », et le curé se marrait. J’ai grandi là-dedans. 

L’écologie est très ancrée en vous, et on sait que vous vous intéressez aux droits des animaux. C’est une fibre qui remonte à loin ? 

Oui, ça s’enracine loin. J’allais voir le brame du cerf avec mon père. Là où il pourrait y avoir un côté spirituel, c’est d’ailleurs dans la contemplation. J’aime la plongée sous-marine parce que tu n’entends pas les humains. C’est très contemplatif. Sur terre, la méditation me fait chier, mais sous la flotte, c’est presque obligatoire. On manque de temps pour contempler les choses. Et puis, sur le plan politique, comme je déteste les rapports de domination, je ne vois pas pourquoi on s’arrogerait le droit de disposer des animaux, de les tuer et de les bouffer. Et j’aime cette altérité. Imaginer comment un poisson voit le monde ! 

Votre spectacle a été annulé à Uccle, en Belgique. Vous avez réagi en disant : « Mais je ne suis qu’un clown ! » Pourquoi on ne vous laisse pas être un clown ? 

Parce que je donne mon avis sur des faits politiques. J’assume de faire de l’humour satirique ! Ce qui est délétère, ce n’est pas pour moi, c’est pour les gens qui veulent faire le même taf que moi et qui ont 20 ans. Le message c’est : « Si vous ne voulez pas qu’il vous arrive ce qui est arrivé à Meurice, évitez certains sujets et soumettez-vous. Quand on vous dit de vous excuser, excusez-vous ! » Je n’ai pas été viré de France Inter pour ma blague sur Netanyahou, mais pour insoumission. 

Vous avez pardonné à France Inter ? 

Je n’aime pas le pardon. Le pardon m’emmerde. C’est parce que je n’en ai pas besoin, je crois. Je n’ai jamais rien eu contre France Inter. C’est une radio, un média. Une ligne édito a été définie par les gens qu’on a mis à des postes de pouvoir. Ils font le travail pour lequel ils sont payés. Je ne leur en veux même pas individuellement. Je n’ai pas besoin de pardonner, car je n’en veux à personne. Des gens me considèrent comme leur ennemi, mais moi je n’en ai pas. 

Le fait économico-politique marquant, de nos jours, c’est que le riche catholique qui finançait la droite bon teint est devenu très interventionniste, qu’il mise sur l’extrême droite et qu’il vise presque à acheter le pouvoir. Le capital s’énerve alors qu’il ne semble pas si menacé. 

Je crois qu’il se sent un peu menacé, en vrai. 

Et il a raison ? 

Ouais. Sur le réchauffement climatique, tout le monde en parle. Il y a une petite ambiance de fin de règne. C’est de la spéculation, mais si on les entend crier aussi fort, c’est qu’ils savent qu’ils sont en danger. Ils crient très très fort sur les « wokes », ils se foutent de leur gueule, des filles aux cheveux bleus, mais la réalité c’est qu’ils sont terrifiés, ils en parlent toute la journée. Les « wokes », au départ, ce sont des gens qui disent : « Et si on arrêtait d’écraser les êtres humains sous des bottes ? » Alors, s’ils ont peur de ça… 

Par ailleurs, la droite et l’extrême droite ont compris le profit qu’elles pouvaient tirer en étant drôles, en faisant des vannes. Aujourd’hui, on entend dire que la droite est drôle, notamment sur internet, et que la gauche est trop sérieuse. Vous avez l’impression de partir avec un handicap en associant comme vous faites humour et engagement ? 

L’humour de droite, c’est comme à la cour d’école. Tu peux humilier quelqu’un avec des blagues extrêmement drôles. Il y a des humoristes d’extrême droite qui peuvent être drôles, mais la question, c’est pourquoi tu fais la blague ? C’est toujours un humour de dominant. Sinon, on peut plutôt choisir d’utiliser son appétence pour la rigolade afin de sortir les gens de la merde, ou d’expliquer pourquoi ils y sont, pour déconstruire certaines choses. L’humour est efficace pour déconstruire, parce qu’il pointe vite des paradoxes, des contradictions. Pendant les micros-trottoirs, je disais souvent aux gens que j’interviewais : « Pourquoi est-ce que vous pensez ça ? Et ça s’appuie sur quoi, comme raisonnement ? Si vous pensez ça, ça entraîne forcément ça… » Avec cette méthode-là, les justifications se cassaient souvent la gueule. 

Je trouve que les cathos ne sont pas drôles. Trop gentillets, un peu niais dans l’humour. Vous n’avez pas un conseil pour eux ? 

Vous n’êtes pas que cathos. Vous êtes aussi de méchantes personnes, avec des vices ! Il faut explorer ses vices. Si vous êtes entre cathos et ne parlez que de ça, ça va être chiant, comme des végétariens entre eux, ou des blagues de bureau. Cessez de considérer que vous n’êtes que des cathos, parce que c’est faux, on vous voit, hein ! 

Par Robin Verner 

Photos Louis Witter 

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