Les livres de Denis Moreau ont ceci d’agréable qu’ils mêlent une incontestable érudition avec une légèreté de ton et des références inattendues. Tous hérétiques ? Sur l’actualité de quelques débats chrétiens (Seuil) ne déroge pas à la règle. L’auteur pense à nouveaux frais les hérésies du passé pour montrer que, loin d’avoir totalement disparues, elles occupent toujours notre imaginaire. Que l’Église les ait condamnées ne change rien à l’affaire. Nous restons tous, chrétiens ou non, imprégnés d’esprit hérétique.
Les résurgences sont multiples et les analyses de Denis Moreau ne manquent jamais de pertinence. Ainsi, le marcionisme, qui postule une séparation radicale entre le Dieu de l’Ancien Testament et celui de Nouveau, condamné très tôt par l’Église au IIe siècle de notre ère, n’a jamais vraiment disparu. Jusqu’en 1959, la grande prière de l’intercession de la célébration du Vendredi saint désignait encore les juifs comme « perfides » ! Denis Moreau remarque aussi que la popularité actuelle de l’expression « ni pardon, ni oubli » pour les crimes que nous trouvons odieux sonne comme un retour du novationisme, cette hérésie qui tend « à voir partout de l’impardonnable » et qui fait peu de cas de la miséricorde.
Zidane et le pélagianisme
Aussi, le culte moderne du self-made man ne serait-il pas une réactualisation du pélagianisme, hérésie qui soutient que l’homme peut accomplir de grandes choses sans le concours de la Grâce divine ? Cet optimisme anthropologique a été critiqué par saint Augustin qui rappelle que l’homme est avant tout un pécheur et que sa nature est faillible. Et qui mieux que Zidane et son coup de tête portée à Materazzi pour symboliser l’idée que l’homme, auquel le paradis tend les bras, peut retomber par sa propre faute dans les pires tourments ? C’est en tout cas l’avis de Denis Moreau qui n’hésite pas à mettre en parallèle le visage du champion français et des représentations catastrophées d’Adam et Eve !





